PRESERVING-BREEDING-GENETICS-HISTORY-STANDARD/MORPHOLOGY-NORTH AFRICAN EFFORTS ARTS/CULTURE
Génétique

Janvier 2010, Reponse a cet article dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, en anglais

Chiens de village africains, leur parenté les uns avec les autres et avec d’autres races, y compris le Basenji, le chien Pharaon, le Rhodesian Ridgeback, le Saluki et le lévrier Afghan
Résumé du Dr. Dominique de Caprona 
Traduit de l'anglais par le Dr. Anne d'Ersu
 © de Caprona 2009 
Pas de sloughi, d'azawakh, d'aidi ni d'africani dans cette étude.

Photographies : Tous droits réservés. Merci de ne pas les utiliser pour quelque but que ce soit sans autorisation.
Certains des chiens de cette étude, du Nord (Egypte) au Sud (Namibie). La muselière sert à maîtriser le chien pendant la prise de sang.


  Egypte (Giza) © Carlos D. Bustamante Laboratory.

Egypte (Kharga) © Carlos D. Bustamante Laboratory.

 Ouganda Ile de Koome  ~ Ouganda "continental" (Busoba) © Carlos D. Bustamante Laboratory.

Namibi du nord (Okanbjengedhi)  ~  Namibie du nord  (Onhuno) ~ Namibie du nord (Oshikango) © Carlos D. Bustamante Laboratory.

Namibie du nord  (Cham Cham) © Carlos D. Bustamante Laboratory.

Namibie du centre (Tsumeb)  ~ Namibie du centre (Otavi)  ~ Namibie du centre (Grootfontaine) © Carlos D. Bustamante Laboratory.

L’étude intitulée "Complex population structure in African village dogs and its implications for inferring dog domestication history" d'Adam R. Boyko et al. (2009) a été réalisée pour déterminer la diversité génétique des chiens de village africains et la comparer à la grande diversité génétique des chiens de village d’Extrême-Orient mise en avant pour affirmer que la domestication du chien s'est bien faite dans ces régions.

Des prélèvements ont été effectués chez 318 chiens de village à moitié sauvages dans 7 régions d' Egypte, d'Ouganda et de Namibie et ont été comparés à ceux de 126 races de chiens élevés en Occident, dont le Basenji, le lévrier Afghan, le chien Pharaon, le Rhodesian Ridgeback, le Saluki, des chiens de rue de Porto Rico, et des bâtards des Etats-Unis d’Amérique.

Egypte: les prélèvements ont été effectués à trois endroits différents: Gizeh (refuge d’animaux), Louqsor (refuge d’animaux et alentours), et Khargeh (oasis rurale du désert). La distance géographique entre Gizeh et Louqsor est plus grande qu’entre Khargeh et Louqsor, mais le désert pourrait constituer une forte barrière à la  “circulation des gènes" entre Khargeh et Louqsor donnant des populations génétiquement plus distinctes.
Ouganda: les prélèvements ont été effectués chez 100 chiens d’un groupe de villages situés à l’est de Kampala et chez 30 chiens de trois îles voisines appartenant au groupe des îles Kome du lac Victoria. Bien que ces îles soient proches les unes des autres et à seulement 20 km de la rive, les auteurs s’attendaient à ce que le lac serve de barrière à la dispersion génétique.
Namibie: les prélèvements ont été effectués chez des chiens de plus d’une douzaine de villages et de zones urbaines du Nord et du centre du pays. Il n’y a pas de barrière naturelle entre les sites de prélèvement. Cependant, il existe un cordon de clôtures qui empêche les maladies du bétail du nord de passer dans le sud du pays. Il n’est pas interdit aux chiens de traverser ce cordon qu ils peuvent passer d'eux-mêmes. Les prélèvements ont été effectués dans une bande de 100 km de chaque côté du cordon, de même que dans des populations de chiens situées dans les 10 à 20 km de cette clôture, pour voir si celle-ci avait un effet d' isolement.

Pour déterminer l'importance des adjonctions non autochtones présentes chez les chiens africains, des prélèvements ont été effectués dans les populations suivantes :
16 chiens de deux refuges de Porto Rico
102 bâtards reconnus des Etats Unis d’Amérique
Des prélèvements provenant d’études antérieures (Parker et al.) et représentant 126 races, dont 129 chiens appartenant aux races suivantes (élevages de pays occidentaux) : lévrier afghan, basenji, chien pharaon, rhodesian ridgeback, et saluki ont été utilisés pour la comparaison.

On a utilisé de l’ADN mitochondrial, des microsatellites et des marqueurs SNP pour caractériser la structure et la diversité génétique des populations.
ADN mitochondrial: 680 pb de l'anse D mitochondriale ont été séquencées, y compris 582 pb de la région décrite auparavant par P. Savolainen et al (2002)
Microsatellites: 227 chiens de village ont été typés à l’aide d’une série de 89 microsatellites.
Marqueurs SNP: 300 marqueurs SNP ont été analysés chez 168 chiens de village, 102 bâtards et 126 races élevées dans les pays occidenaux.

Microsatellites et marqueurs SNP :
Les auteurs se sont aperçus que les chiens de rue de Porto Rico sont à regrouper avec les bâtards des Etats-Unis, indiquant que ces chiens sont tous issus de croisements de toutes les races.
Pour les autres populations, il y avait 5 groupes homogènes de chiens de village africains: les chiens égyptiens, les chiens ougandais de la rive du lac Victoria, les chiens des îles Kome, les chiens du Nord de la Namibie, et enfin des croisements chez quelques uns des chiens de village.
En dehors du centre de la Namibie, 84 % des chiens de village africains ont montré peu de signe, voire  aucun, d'adjonctions non-autochtones, alors que tous les chiens du centre de la Namibie présentaient plus de 25% d'adjonctions, et la plupart plus de 60%.
Les chiens du centre de la Namibie ne montrent pratiquement aucune différenciation génétique par rapport aux bâtards américains.
Les chiens égyptiens de Gizeh et de Louqsor montrent aussi peu de différenciation.

Une séparation nette a été observée entre les populations égyptiennes et subsahariennes et entre les populations ougandaise et namibienne.
Les chiens de Khargeh étaient les plus distincts, alors que les chiens ougandais du "continent"et les chiens du nord de la Namibie (à 2900 km de distance) n'ont montré qu'une différenciation modérée.

Trois groups de races ont été distingués : le Basenji tout seul, le Saluki et le lévrier Afghan ensemble*, et enfin le Rhodesian Ridgeback et le chien Pharaon ensemble.

Diversité mitochondriale
47 haplotypes ont été trouvés chez les chiens africains, 9 chez les chiens de Porto Rico, dont 2 ont été aussi retrouvés chez les bâtards américains. Tous les haplotypes appartiennent aux clades A (33 haplotypes africains), B (6 haplotypes africains), ou C (8 haplotypes africains), qui sont les 3 dont on pense qu’ils renferment 95% des chiens domestiques.
18 des haplotypes africains n’avaient pas été décrits par Savolainen et al.: 14 appartenant au clade A, 1 au clade B et 3 au clade C. Les chiens de Porto Rico et les chiens croisés des Etats Unis d’Amérique avaient 8 haplotypes du clade A et 1 du clade B (1 des haplotypes, un haplotype porto ricain du clade A n’avait pas été décrit auparavant).
La diversité locale de l'ADN mitochondrial n’a pas été systématiquement différente entre les régions africaines et les régions de superficies comparables d'Extrême-Orient, qui est censément le lieu d’origine des chiens domestiques. 

Conclusions
Cette étude montre que les chiens de village africains ont une structure de population complexe qui est le résultat des distances géographiques, des barrières locales à la circulation des gènes, et de la présence ou de l’absence d’ADN non africain dans certaines populations. Mais surtout, la grande majorité des chiens de village africains ont pu être classés comme étant autochtones (moins de 25% d’ascendance non-africaine) et quelques uns comme non-autochtones (plus de 60% d’ascendance non-africaine). Seuls 7 % d'entre eux ont montré un degré intermédiaire d’ascendance africaine.
Les auteurs remarquent que:” l'absence de pourcentages constants de croisements dans les régions laisse à penser que les gènes des chiens non-autochtones sont rapidement éliminés des populations de chiens de  villages, ou que les croisements avec des chiens non-autochtones sont un phénomène très récent dans ces régions.”

Les populations ayant une  ascendance non-autochtone se trouvaient au centre de la Namibie, où chaque chien présentait des degrés importants d'adjonctions non-africaines, et à Gizeh, où tous les chiens montraient un degré généralement faible d'adjonctions. Les auteurs pensent que ce faible degré de Gizeh est le reflet de  la proximité relative de Gizeh avec l’Eurasie. Parmi les chiens croisés on a détesté des groupes qui pourraient résulter du fait que l'ascendance des différentes races n'est pas la même chez tous les chiens.

Les chiens de village africains ont constitué un groupe important, distinct des groups  Basenji, Saluki/lévrier Afghan, rhodesian ridgeback/chien pharaon. Les chiens de village égyptiens étaient un peu plus proches des Salukis/levriers Afghans, les chiens d’Ouganda et de Namibie plus proches du Basenji. Les rhodesian ridgebacks et les chiens pharaons ** étaient plus proches des chiens croisés, laissant à penser que ces races ont eu des apports de chiens non-africains.

Influence des barrières à la circulation des gènes
Les 230km de désert qui séparent l’oasis de Khargeh de Louqsor ont conduit à une différenciation beaucoup plus marquée entre les populations de chiens de village de cette région que les 500kms du couloir que forme le Nil entre Louqsor et Gizeh. Les  chiens des îles Kome, situées à 10-20 km de la rive du lac Victoria, étaient beaucoup plus distincts de ceux de l'Ouganda "continental" que  ne l’étaient les populations namibiennes à 2900 kms de là.
L’hétérozygotie était élevée au niveau de tous les types de marqueurs génétiques de toutes les populations de chiens de village, sauf chez ceux de l’oasis de Khargeh et des îles Kome (populations qui sont plus isolées et probablement plus petites, d'où des degrés de consanguinité plus élevés).

Un résultat a été surprenant : les prélèvements effectués à 20-100 km de distance entre le Sud et le Nord la Namibie, de chaque côté de la "ligne rouge du cordon vétérinaire" de ce pays, ont  montré une séparation complète des populations – au nord de ce cordon les chiens ont en moyenne 87% d’ascendance africaine tandis qu'au sud du cordon ils ne sont qu'à 9% africains. Au cours de ces cent dernières années, ce cordon sous surveillance policière a servi à séparer les populations autochtones humaines (au nord) des populations blanches de colons (au sud)***. Il est désormais utilisé pour empêcher le bétail d'aller vers le sud.

Ainsi, les auteurs déclarent : “Les chiens de village africains ont montré un degré de diversité de l'anse mitochondriale D semblable à celui des chiens de P.Savolainen et al. (2002) en Extrême Orient,  berceau présumé de la domestication du chien. Bien que nous ne suggérions pas que celle-ci ait effectivement eu lieu en Afrique, nous croyons que l'origine extrême-orientale du chien domestique devrait être examinée plus avant, d'autant plus que l’Afrique possède aussi de nombreux haplotypes qui lui sont propres et que l’Extrême-Orient en est dépourvu , si ce n'est  peut-être à l’exception du clade E”.

Remerciements

Je tiens à remercier  A.R.Boyko, qui a revu ce texte et m'a autorisée à utiliser les photos de chiens de village africains,  ainsi que  tous ceux qui ont donné des clichés pour cette page.

Bibliographie

Adam R. Boyko, Ryan H. Boyko, Corin M. Boyko, Heidi G. Parker, Marta Castelhano, Liz Corey, Jeremiah D. Degenhardt, Adam Autona, Marius Hedimbi, Robert Kityo, Elaine A. Ostrander, Jeffrey Schoenebeck, Rory J. Todhunterd, Paul Jones, and Carlos D. Bustamante (2009):"Complex population structure in African village dogs and its implications for inferring dog domestication history" in Proceedings of the National Academy of Sciences.

P. Savolainen, Zhang Y, Luo J, Lundeberg J, Leitner T (2002): "Genetic evidence for an East Asian origin of domestic dogs." Science 298:1610–1613.
 

Notes de l’auteur
* Parmi les pays d’origine du Saluki (Péninsule arabique, Syrie, Iran, Irak) l’Iran a une frontière avec le pays d’origine du lévrier afghan (Afghanistan).
** Le chien Pharaon est autochtone dans l’ile de Malte (Mer Méditerranée), à proximité des autres races européennes. On pense que le Rhodesian ridgeback est le fruit du croisement des chiens à crête autochtones des Hottentots avec des chiens importés par les colons hollandais, allemands et huguenots aux 16ème et 17ème siècles (Danois, Mastiffs, Greyhounds, Salukis, Bloodhounds).
*** Les colons allemands avaient importé des races européennes.


 Basenji et chiens Pharaon © Schwab

Lévrier afghan © Liz Gross von Hübbenet ~ Saluki © Nina Neswadba

Rhodesian Ridgebacks montrant leurs crêtes  © Bonnie van den Born ~ Rhodesian Ridgeback © von Elm-Weber 
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