North Africa, Interview Mr. Joseph Mangelsdorf

Entretien avec Joseph Mangelsdorf, le sloughi algérien
20 Mai 2010
© de Caprona 2010
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Dominique de Caprona: Monsieur Mangelsdorf, vous êtes en Algérie en ce moment, un pays difficile d’accès.
Comme vous le savez, le sloughi algérien est celui qui est le mieux décrit et le mieux connu depuis le 19ème siècle en Europe, surtout grâce à la description qu’en a donné le Général Daumas en 1852. Je voudrais donc profiter de votre séjour dans ce pays pour vous demander de nous raconter un peu ce que vous avez pu constater à propos de cette race ancienne 158 ans plus tard.

Dans quelle région avez-vous voyagé et où avez-vous vu des sloughis?

Joseph Mangelsdorf:
Chronologie :
De 1977 à 1980, j'ai séjourné à Tlemcen et fait des voyages vers Taghit (Colomb Béchar); j’ai vu peu de sloughis, à l'exception de quelques populations chez des nomades à Sebdou, au sud de Tlemcen. De ces nomades j’ai reçu en cadeau mon premier Sloughi, Anthar, que j’ai ramené chez moi en Allemagne, où il a vécu 12 ans.
En 1980 et 1983, un séjour à Souk Ahras avec des voyages vers Gardaia; peu de sloughis.
Quelques populations dans la région de Biskra.
De 2005 à 2008, un séjour à El Kala. Du fait de l’insécurité qui régnait dans le pays aucun voyage n'a été possible et je n’ai pas vu de sloughis dans cette région.
Depuis Janvier 2010, je séjourne à Tiaret et me suis rendu plusieurs fois dans la région de Tlemcen, où j'ai noté la présence de nombreux sloughis au nord de Tlemcen (en particulier à Bensekrane et Sidi Abdelli).
D’après ce que disent les habitants de Bensekrane, il existe aussi une population de ces chiens à Tiaret, à laquelle j’ai prévu de rendre visite sous peu.

Bensekrane © Mangelsdorf 2010
Terrain de chasse au fond sur la colline.

Dominique de Caprona: Comment avez vous pu établir un contact avec les propriétaires algériens de sloughis?
Joseph Mangelsdorf: :En Algérie il est difficile pour les Occidentaux d’avoir accès aux sloughis et à leurs propriétaires, il faut avoir beaucoup de tact, établir une relation de confiance profonde et surtout, il faut respecter leurs coutumes et leur façon de traiter leurs chiens.

Dominique de Caprona: Environ combien de sloughis avez-vous pu y voir?
Joseph Mangelsdorf: Rien que dans la région de Bensekrane il y a plus de 100 Sloughis

Bensekrane © Mangelsdorf 2010

Dominique de Caprona: A qui appartiennent les sloughi dans cette région?
Chasseurs, fermiers….?
Joseph Mangelsdorf: Les sloughis appartiennent aux habitants, sans aucune distinction, depuis des générations; c'est la tradition. Les meilleurs sloughis se rencontrent chez les chasseurs. .

Dominique de Caprona: Quelle est la fonction principale du sloughi dans cette région?
Chasse, garde ?
Joseph Mangelsdorf: La chasse et la garde des troupeaux de moutons contre les attaques nocturnes du chacal.les habitants possèdent aussi un sloughi "pour l‘honneur" et un peu pour le "standing".
Pour la chasse, ils utilisent un sloughi plus petit. Les plus grands sont utilisées pour la garde des moutons.

Deux sloughis protégeant un troupeau de moutons, Bensekrane © Mangelsdorf 2010

Dominique de Caprona: Comment vivent les sloughis algériens, en liberté, attachés, enfermés?
Joseph Mangelsdorf: Partiellement en liberté, normalement selon des arrangements de fortune qui leur laissent la possibilité de sortir.

Sloughis jouant en compagnie d'un chien de type Braque. Bensekrane © Mangelsdorf 2010

Dominique de Caprona: Quelles sont les couleurs de robe que vous avez pu voir? Les Algériens préfèrent-ils certaines couleurs de robe à d’autres, ou non?
Joseph Mangelsdorf: les couleurs allant du noir au blanc en passant par le fauve.
Les Algériens n’ont pas de préférences pour les couleurs. Surtout, ils ne connaissent pas l’importance de notre standard; pour eux, les seuls critères de sélection sont la vitesse et le courage pendant la chasse.

Bensekrane © Mangelsdorf 2010

Dominique de Caprona: Quelle est la caractéristique la plus importante du sloughi pour le propriétaire algérien?
Le caractère, le talent de chasseur, le fait qu'il soit un bon gardien, etc…?
Joseph Mangelsdorf: La vitesse et le courage face au gibier, surtout s'agissant du chacal et du sanglier.

Sloughia de grande renommée pour son courage à la chasse © Mangelsdorf 2010

Dominique de Caprona: Pourriez-vous nous décrire un peu le caractère des sloughis que vous avez rencontrés? Quel était le comportement typique?
Joseph Mangelsdorf: Les sloughis sont très réservés, ils se désintéressent complètement des étrangers. Ils sont calmes, attentifs et n'écoutent que leur "maitre". Les ordres sont données au moyen de sifflements ou de petits bruits que l'on fait avec les doigts ou la bouche. Je n'ai pas vu de bagarres entre eux, ils acceptent les autres animaux, à l'exception des chats. Je n’ai pas constaté de hiérarchie. Ils ne sont pas agressifs mais plutôt doux et ils ont l’air gentil. Grosso modo, ce sont des chiens parfaits.

Dominique de Caprona: Comment les sloughis algériens sont-ils nourris? Il y a dans le monde occidental beaucoup de discussions sur la meilleure façon de nourrir un sloughi, et je pense personnellement qu' on leur donne souvent une nourriture trop riche.
Qu’en pensez-vous?
Joseph Mangelsdorf: Les sloughis sont essentiellement nourris avec les restes des repas (sans épices fortes). A Bensekrane il y a un abattoir de poulets; les chasseurs récupèrent (gratuitement) les abats et les restes, surtout les têtes et les pattes. C’est selon les éleveurs la meilleure nourriture pour les sloughias qui ont des chiots. Les restes de poulet sont mangés crus.
De toute façon, les gens n'ont pas les moyens de les nourrir autrement.

Dominique de Caprona: A quel moment les sloughias ont-elles leurs portées?
Joseph Mangelsdorf : En raison des conditions climatiques, au cours des mois d’avril et de mai.

Dominique de Caprona: Quelle est l’espérance de vie d’un sloughi en Algérie?
Quelles sont les raisons principales qui font qu'un sloughi meurt prématurément?
Joseph Mangelsdorf: L’espérance de vie est en moyenne de 4 ans, surtout en raison du manque de moyens pour acheter des médicaments et faire vacciner les chiens.
(A titre d' information, le prix d’une vaccination est de 5,00 Euros).

Dominique de Caprona: Y-a-t-il des traditions comme les feux aux pattes avant ou des marques de henné sur différentes parties du corps du sloughi, dans la région dans laquelle vous vous êtes rendu?
Joseph Mangelsdorf: Feux aux pattes, non, henné sur la tête et les pattes, oui, pour décorer le Sloughi et le rendre beau. C'est aussi un symbole de la force du sloughi.

Dominique de Caprona: Y-a-il des légendes algériennes au sujet du sloughi?
Joseph Mangelsdorf: On se raconte des histoires sur le courage des sloughis face au sanglier et au chacalpendant la chasse et de la garde des moutons.

Dominique de Caprona: Que pensez-vous de la situation actuelle du sloughi dans la région ou vous vous trouvez?
J'imagine que les propriétaires de sloughis en sont très fiers. A votre avis, y a-t-il des raisons d’être optimiste quant à la survie de cette race dans ce pays d’origine?
Joseph Mangelsdorf: Dans la région de Tlemcen et l’Algérie en général, il n’y a pas de problème de survie de la race sloughi.

Un grand merci, Monsieur Mangelsdorf, à vous et à vos amis algériens, pour nous avoir présenté le sloughi algérien.