La Louve Vaniteuse
littérature
orale
tunisienne
transcrite
par
Raouf
Ochi
©
Ochi 2010
Il
était
une
fois
une
louve* qui avait une très belle
fourrure
luisante gris-cendré et une longue queue bien touffue. Elle se
prenait
pour une véritable reine. Son mari, le vieux loup, assagi par le
temps, était le chef de toute la meute, ce qui accentuait
davantage
sa vanité: Elle croyait que tout le monde lui devait respect et
obéissance.
Un
jour,
alors
qu'elle
se
pavanait dans les champs, elle aperçut
par hasard la fille du sloughi et fut fascinée par son
élan,
son allure et son beau masque noir au museau qui contrastait avec sa
belle
robe claire.
Dès
qu'elle
rentra
à
la
maison, elle alla trouver son mari
et lui dit:
_
Notre
fils
est
devenu
assez grand et il est grand temps de le marier.
_
Oui,
pourquoi
pas?
La
fille de mon frère a exactement son
âge
et elle est bonne chasseresse. Si tu veux,je....
_
Que
dis-tu
là!?
lui
coupa-t-elle la parole. Je lui ai
déjà
choisi une belle princesse issue d'une famille noble qui égale
notre
niveau. Devine qui elle est!
_
La
fille
de
ta
soeur évidemment. Elle est bien paresseuse
celle-là,
et je te dis déjà que je ne suis pas d'accord.
_
Tu
te
trompes
mon
cher, pas du tout. Il s'agit de la fille du sloughi
qui garde le troupeau de son maître dans la vallée
à
côté de la rivière.
_
C'est
une
blague!
répliqua
le vieux loup en souriant pour cacher
son effroi.
_
Non,
c'est
vrai,
je
suis sérieuse. Ah! Si tu l'avais vue...!
Quelle
allure! Quelle beauté! Quelle souplesse! Quelle fierté...!
Le
vieux
loup
a
beau
essayer de la dissuader, mais en vain. Il lui rappela
les terreurs des scènes de chasse, mais sans résultat.
Avec
la détermination d'une louve gâtée et
capricieuse,elle
finit par lui imposer son choix.
Alors,le
lendemain
de
bonne
heure,
ils allèrent acheter des fruits,
des légumes et de la viande, emmenèrent leur fils avec
eux
et prirent tous le chemin qui menait à la ferme où vivait
le sloughi avec sa famille pour lui demander la main de sa fille. La
louve
marchait devant avec grand enthousiasme et son fils pressait le pas
derrière
elle. Quant au vieux loup, sage et méfiant, il marchait à
reculons, comme on dit: "un pas en avant,deux pas en arrière."
En
s'approchant de plus en plus de la ferme, il s'arrêta, se mit sur
un haut rocher et attendit ce qui allait se passer.
A
peine
arrivés
au
niveau
de la grande clôture que le
sloughi
les aperçut et s'élança comme une flèche
derrière
la louve et son pauvre fils qui, terrifié en voyant l'assaut
formidable
de leur hôte, jeta le couffin plein de fruits, de légumes
et de viande et s'enfonça aussitôt dans le bois
avoisinant.
Le sloughi, plus rapide et plus endurant, finit par essouffler et
étouffer
la louve en la tenant par la gorge.
Le
vieux
loup,
qui
suivait
la scène de loin, mais avec grande
attention,
vit se confirmer devant ses yeux l'éternelle inimitié
entre
le loup et le sloughi tout en se disant que sa femme a eu ce qu'elle
méritait
parce qu'elle était vaniteuse.
La
morale
La
vanité rend aveugle,
et comme on dit:
"Il faut
chercher un morceau
aussi grand - jamais plus grand - que sa bouche!"
*
Remarque: Par "loup" on
entend "chacal" en arabe dialectal tunisien.
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