
Histoire |
| Le Sloughi
est un chien
splendidement racé qui n'a pas changé de type et de
structure
depuis des siècles. C'est un lévrier arabe connu en
Afrique du Nord dès la plus haute antiquité. Il est
originaire
de Syrie et il fut surtout importé au moment des grands
mouvements
islamiques aux VIIème et VIIIème siècles; il se
répandit
en Égypte et au Maghreb, et il y conquit une place
prépondérante.
Ce lévrier asiatique fut élevé et utilisé selon la plus ancienne tradition arabe. Splendide athlète à l'allure fière, noble, distante, il fut choyé par les Arabes, et sa race a été maintenue intégralement pure. |
Elles sont suivies d’une version légèrement modifiée du texte du standard de la race de 1938.
Cet article marque un étape importante en ce qu’il nourrit la confusion entre le sloughi d'Afrique du Nord et le saluki à poil court du Moyen Orient, ce qui aura des conséquences profondes sur certains élevages européens. La zone géographique d’expansion du Sloughi sera par la suite élargie pour inclure l’Afghanistan.
Le sloughi vient-il de Syrie et est-ce une race asiatique?
Rien en
fait ne prouve
que le sloughi d'Afrique du Nord vienne de Syrie et qu’il ait
été
introduit par les Arabes lorsqu’ils ont envahi cette région.
A
l'époque
où cet article a été écrit, personne ne
connaissait
l'avancée scientifique récente qui voulait que la
domestication
du chien ait probablement eu lieu en Chine près de 16.000
ans auparavant et que toutes les races de chiens soient donc
originaires
de ce pays. Alors oui, dans ce sens, comme toutes les races de chiens
le
sloughi vient de Chine.
Mais si l'on remonte à il y a environ 1200 ans, en réalité rien ne prouve que le sloughi soit une race de lévrier asiatique, ni qu’il vienne d’Orient, une phrase qui avait été inscrite dans la version du standard de la FCI, antérieure au standard actuel. Heureusement, elle a été retirée du standard actuel qui stipule à juste titre que le sloughi vient d’Afrique du Nord.
Dans l’Egypte ancienne déjà, des chiens à oreilles tombantes étaient représentés sur des objets, tel ce chien en ivoire trouvé à Hiérakonpolis remontant à une ère située entre 3400 avant J.C environ et le début de l' “Ancien Empire” en 2575 avant J.C.

Chien à oreilles tombantes, ivoire, de Hiérakonpolis, Ashmolean Museum, Oxford, Angleterre.
Jean Capart (1905) écrit:
….On peut distinguer deux races de chiens: un genre de mastiff, fort et puissant, qui était employé à la chasse au lion; et aussi une race de grand chiens courants, de silhouette mince, aux oreilles pendantes, la tête ressemblant à celle d’un foxhound moderne, et dont la robe était soit noire et blanche, soit fauve et blanche. C’est à cette classe d’animaux qu’appartient le chien représenté par une sculpture en ivoire découverte à Hiérakonpolis….”
Certains soutiennent que ce sont les Hyksos (dont on pense qu'ils venaient de Syrie/Palestine) qui ont envahi la “Basse Egypte” au 17ème siècle avant J.C et occuppé l’Egypte pendant près d’un siècle, qui ont amené avec eux les lévriers à oreilles tombantes. Toutefois, des lévriers à oreilles droites et à oreilles tombantes ont coexisté avant les Hyksos, et les lévriers à oreilles tombantes ont aussi fait partie des tributs payés aux pharaons qui venaient du pays de Punt/de Nubie, dont on pense qu'il était situés au sud de l’Egypte. Il existe de nombreuses représentations de lévriers à oreilles tombantes dans l’Egypte ancienne, certaines assez célèbres. Par exemple, ils sont représentés courant sous le chariot de Toutankhamon pendant qu’il fait la guerre ou qu’il chasse.

Pharaon
Toutankhamon, 12ème
roi de la 18ème dynastie, 1336-1327 avant J.C.
Chassant avec des
lévriers
à oreilles tombantes © Siebel, 2004

Detail,
lévriers
à oreilles tombantes sous le char de guerre du pharaon
Toutankhamon.
© Siebel, 2004
La mommie d’un petit lévrier de couleur sable au musée du Caire témoigne de l'attachement de leurs propriétaires à ces chiens.

La mommie d’un
lévrier
à oreilles tombantes au musée du Caire, 18 ème
dynastie
(1550-1292 avant J.C.).
D’après le
Musée,il
appartenait peut-être à Amenhotep II, 7ème roi de
la
18ème dynastie, 1427-1392 avant J.C.,
ou à
Horemheb, dernier
roi de la 18ème dynastie, 1319-1292 avant J.C., Vallée
des
Rois, Egypte.© Siebel, 2004
En 1948 Dorothy
W. Phillips
écrit:
.....de vastes
chenils
destinés aux chiens royaux ont été trouvés
dans les dépendances de propriétés à el'
Amarne
et dans une partie de l’une d'entre elles se trouvaient de très
nombreux os de lévriers. Nous savons qu’une belle race de chiens
était importée de Punt, un territoire situé dans
le
sud de l’Egypte. Dans la tombe d’un chasseur de la XVIII
dynastie,
Muy-hir-pery, deux colliers réservés à ce type de
chiens faisaient partie des objets funéraires. Un collier
très travaillé avec des animaux en relief en métal
doré indique le nom du chien qui l’avait port é -
Ta-en-nut,
que l'on peut traduire par “celle de la ville” ou “chien de
ville”.
Beaucoup de noms de chiens favoris nous ont étés transmis
– “Ebène”, “Le Noir”, “Pot à cuire”, “Celui qui saisit”,
pour n' en citer que quelques uns, et plusieurs d'entre eux sont
fabriqués
à partir du mot “abu”, qui semble être une version
égyptienne
de notre “oua oua”. Un chien du nom d'“Abutiu” a servi si
fidèlement
un roi dans l'" Ancien Empire” que lorsqu’ il est mort, le pharaon
reconnaissant
ordonna “qu’il soit enterré avec cérémonie,
qu’il lui soit donné un cercueil du trésor royal, du
linge
fin en grande quantité, de l’encens….et qu’une équipe de
maçons lui construise une tombe ….”
Le sloughi a-t-il été introduit en Afrique du Nord par les Arabes?
On estime que le sloughi est le lévrier du peuple Berbère, et qu’un autre lévrier africain, l’azawakh, est celui des Touaregs, l'une des tribus berbères. Les comptes-rendus les plus anciens montrent que les Berbères habitaient déja l’Afrique du Nord 3000 ans avant J.C., à l’époque de l’Egypte ancienne. Le Sahara était une savanne habitée par l'homme il y a près de 8000 ans. La manière dont les autres cultures d'Afrique du Nord et leurs chiens sont reliées au sloughi reste encore mystérieuse. On a récemment découvert que les Garamantes, un peuple qui descendait des Berbères et des peuples pastoraux du Sahara, ont constitué une civilisation majeure du désert du Sahara, surtout dans le sud-ouest de la Libye (Fazzan). On pense qu’ils étaient présents dans la région dès l'an 1000 ans avant J.C. et qu’ils commerçaient activement avec les Romains. Huit grandes villes garamantiennes ont été découvertes récemment et font actuellement l'objet de fouilles. Les pays berbères ont subi diverses invasions, l’invasion arabe n’en étant qu'une parmi d'autres.
Les Phéniciens (dérivé de Phénicia, nom grec désignant le pays et le peuple vivant sur la côte de la Syrie dans l'antiquité, à l’extrémité orientale de la Méditerranée) avaient créé la puissante Carthage (aujourd'hui Tunis) dont le rayonnement a été important, jusqu’ à ce que les Romains parviennent à vaincre Hannibal et à prendre le contrôle de la ville en 202 avant J.C. Au Musée du Bardo à Tunis, des mosaïques et des pierres gravées d'origine romaine montrent que des lévriers à poil court étaient présents en Tunisie avant que les Arabes n'envahissent l’Afrique du Nord. Ces mosaïques ne nous disent pas cependant si ces lévriers à poil court étaient venus avec les Romains, ou s’ils étaient originaires de la région et simplement utilisés pour la chasse par les Romains.

Ci-dessus:
scène
de chasse sur une mosaïque romaine © de Caprona,
1999
Ci-dessous:
pierre romaine
gravée © de Caprona, 1999
Musée du
Bardo, Tunis,
Tunisie


Par la suite, les Vandales (qui venaient de ce qui est aujourd'hui le Danemark) ont vaincu les Romains en 428 après J.C. et ont envahi l’Afrique du Nord, surtout l’Algérie et le nord du Maroc. Un siècle plus tard, ils sont vaincus par le général byzantin Belisarius. A partir d’environ 1045 après J.C. et pendant plusieurs siècles, les Bédouins nomades d’Arabie centrale ont régulièrement envahi l’Afrique du Nord. L’empire Ottoman (les Turcs) a détruit le sultanat Mamelouk en 1517 et conquis la Syrie, la Palestine, l’Egypte et l’Arabie, jusqu’à son démantèlement en 1923. Les Arabes et les Berbères se combattaient férocement, si bien que l’on peut penser que les Berbères n’ont peut-être pas croisé leurs lévriers avec ceux des envahisseurs. De plus, s’il faut croire que les Arabes ont amené des chiens avec eux, on doit alors supposer que les Phéniciens, les Romains, les Vandales et les Turcs ont fait de même. Peut-être que certains de ces envahisseurs ont emmené des chiens d' Afrique du Nord chez eux quand ils sont rentrés. Tant de siècles se sont écoulés depuis qu' il n’y a vraiment aucun moyen de savoir ce qui s’est passé à l’époque, ni comment ces évènements ont pu contribuer à ce qu’est le sloughi d'Afrique du Nord d'aujourd’hui.
Il est impossible de répondre à la question de savoir ce qu' étaient ces anciens lévriers à poil court. Etant donné les milliers d’années qui nous séparent de cette époque, ils ne ressemblaient probablement pas aux lévriers à poil court que nous connaissons aujourd’hui. L’évolution ne s’arrête jamais, et si ces anciens chiens africains étaient les ancêtres des lévriers africains actuels, ils ont évolué au cours des siècles pour donner les races que nous connaissons aujourd’hui.
Pourquoi confond-on le sloughi d'Afrique du Nord avec les lévriers du Moyen Orient?
A la fin de la seconde guerre mondiale, cette confusion entre le sloughi d'Afrique du nord et le lévrier du Moyen Orient à poils court, et plus tard le lévrier afghan à poils court, semble n’être basée que sur une ressemblance superfielle de ces races: un lévrier à poil court et oreilles tombantes, qu’il soit d’Afrique du Nord, d’Arabie ou d’Afghanistan.
Pourtant, le peu que les éleveurs connaissaient des caractères héréditaires à l’époque aurait dû mettre en évidence le fait que des races qui présentent deux types de robes ne peuvent pas produire des chiots ayant toujours le poil court et ne peuvent donc pas être des sloughis d'Afrique du Nord. Evidemment, certaines notions de génétique étaient alors peu connues, tels les gènes (récessifs ou dominants), l’ADN, l'ADN mitochondrial, l'ADN parental et la dérive génétique entre des populations qui sont géographiquement, donc génétiquement, séparées les unes des autres. La double hélice d'ADN a été décrite pour la première fois par J. D. Watson et H. C. Crick en 1953. E. Reich et D. J. Luck ont décrit la réplication et le caractère héréditaire de l'ADN mitochondrial en 1966. La notion de dérive génétique comme moteur de l'évolution a été présentée en 1979 par M. Kimura, pour faire suite à sa théorie de la mutation et de la dérive aléatoire formulée en 1977. S. D. Ferris, A. C. Wilson et W. M. Brown ont utilisé de l'ADN mitochondrial pour des recherches généalogiques en 1981.
Ces
découvertes
ont montré que l’ADN n'évolue pas de la même
manière
dans des populations animales séparées
géographiquement,
les rendant ainsi génétiquement différentes au
bout
d'un certain temps. En biologie, une même allure n’implique pas
forcément
une similitude des gènes; elle peut être le
résultat
de l'adaptation des animaux à une même fonction, qui
opère
une sélection et produit cette ressemblance, que les animaux
soient
étroitement apparentés ou non.
Mais
malgré
ces découvertes, l’opinion erronée selon laquelle ces
populations
de chiens qui vivent à des milliers de kilomètres les
unes
des autres appartiennent à la même race perdure encore au
21ème siècle pour certains (les défenseurs de la
“théorie
Saluqi”) et en Europe, où certains éleveurs ont
croisé
le saluki à poil court et l'afghan à poil court avec des
lignées de sloughis d'Afrique du nord. Des études
génétiques
récentes montrent de fait que le sloughi d'Afrique du nord
posséde
des haplotypes d'ADN mitochondrial distincts, que ne partagent pas les
salukis ni les lévriers afghans.
Nous ne saurons probablement jamais comment le sloughi, ou lévrier d'Afrique du nord, est devenu ce qu’il est aujourd’hui. Le fait est que quelle que soit son histoire réelle, c’est une race de lévriers africains qui a toujours le poil court. S’il avait eu des contacts importants et répétés avec les lévriers orientaux, ou s’il était issu de croisements avec ces derniers, il montrerait aussi une variété à poils longs, et partagerait le même ADN mitochondrial, ce qui n’est pas le cas.
C'est pourquoi, si l'on veut préserver sérieusement le sloughi, c'est sur des chiens tels qu’ils sont encore élevés de façon traditionnelle en Afrique du Nord qu'il faudra concentrer les efforts, en évitant de les croiser ou de continuer à faire des croisements consanguins avec des chiens qui viennent ou sont venus de zones géographiques situées ailleurs qu'en Afrique.
Remerciements:
Je remercie
Els Siebel
qui m’a autorisée à utiliser ses photos et Jack McGuffin,
M.Ed., qui a vérifié la version anglaise de cet article.
References: